Le 27 novembre dernier, le maire de la commune a pu rendre hommage à Mr Herbert Traube qui a participé aux combats du 20 Novembre 1944, voici le discours du maire à l’occasion de cette commémoration :

C’est avec une émotion particulière que je m’adresse à vous aujourd’hui, en ce jour de commémoration. En effet, comme chaque année, je m’apprête à vous lire un récit du combat livré le 20 novembre 1944, entre Bretagne et  Montreux Château, par la 3ème Compagnie du 1er Bataillon du Régiment de Marche de la Légion Étrangère. Mais cette fois, ce récit est particulier puisqu’il a été rédigé par Monsieur Herbert Traube, probablement un des derniers survivants de la 3ème Compagnie du RMLE ayant participé à ce combat qui m’a contacté le 30 mars 2022 et m’a autorisé à l’utiliser pour cette cérémonie.                                                               .                  

Cet homme a servi à la Légion Etrangère de 1942 à 1947 d’abord sous le nom d’emprunt Thomas HEBERT puis après « rectification d’état civil » avec son nom de naissance Herbert TRAUBE. Affecté à la 3ème Compagnie du Capitaine QUELET dès sa création, il a participé aux différents engagements depuis le débarquement en Provence jusqu’à la Victoire du 8 mai 1945 fêté dans le Vorarlberg Autrichien, hélas sans de nombreux camarades Morts pour la France en cours de route…

Voici donc son récit :

Les ponts du canal du Rhin au Rhône et ceux de la rivière Saint-Nicolas sont détruits, ni chars ni véhicules blindés ne peuvent intervenir. Et c’est à nous, légionnaires à pied, qu’incombe la charge de l’attaque                                             .

Le temps est froid et humide. Nous nous déployons aux abords du canal, attendant le signal du Capitaine Quelet pour traverser avec de l’eau jusqu’à la ceinture. Certains peuvent passer sur les décombres du pont en ruines. Dès notre arrivée sur l’autre rive, nous nous regroupons et le capitaine lance l’attaque. « En avant, vite, vite ! ». Nous courons vers l’autre obstacle, la rivière, lorsque le feu ennemi se déclenche. D’abord des coups de feu isolés, sans doute des snipers. Le capitaine est l’un des premiers atteints. En s’écroulant, il lève le bras comme pour nous intimer à nouveau l’ordre : « En avant ! », puis il reste immobile. Comme je fais partie de la section de commandement de la compagnie, chargé de remplacer éventuellement le porteur de la radio, je n’étais pas très loin. Il est mort pratiquement sur le coup, le Sergent Gomez à ses côtés                                    .
Pas le temps de réfléchir. On avance par bonds, la rivière n’est pas loin. Une dizaine de camarades réussissent à la traverser et trouvent abri près des premières maisons du village. Mais le tir ennemi s’intensifie et se précise encore. Nous sommes bloqués au sol. Combien de temps sans bouger ? Le Lieutenant Haza se déplace pour se rendre compte de la situation. Il est abattu à son tour. Heureusement blessé seulement, mais incapable de bouger. Je cherche des yeux l’Aspirant Bonnet, un camarade me crie « Il est mort ! ».



Le sergent-chef Ruiz est près du radio. Il demande un appui d’artillerie pour nous permettre soit d’avancer, soit de décrocher. « Pas d’appui possible » lui répond-t-on. Je me rappelle le vieil adage légionnaire : « Tu es légionnaire ? Alors démerde-toi ! ». Ce qui veut dire que nous ne devons compter que sur nous même pour nous en sortir                         .

C’est finalement le Lieutenant Laccioni qui donne l’ordre de repli. Nous nous déplaçons en rampant, tirant les blessés vers l’arrière. Le légionnaire Hubert, mon ami et presque homonyme est le servant de la mitrailleuse de 30. Il nous crie « Décrochez, décrochez, je vous couvre ! » et arrose les toits et les fenêtres des maisons de Montreux. En amorçant lui aussi son repli, il est touché par une balle explosive à la jambe, qui l’immobilise. Je l’entends encore crier « Je suis touché, décrochez, décrochez, je vous couvre ! » et il continue à tirer. Je crois que c’est le Sergent Delisle qui a cherché à le secourir et reprendre la mitrailleuse. Il est tué sur le coup… Je crois me rappeler aussi que c’est Zygmanski qui a finalement repris la mitrailleuse.


C’est sans aucun doute grâce au tir appuyé de notre mitrailleuse que la majorité de la compagnie a pu retraverser le canal du Rhône au Rhin et ramener les blessés en lieu sur. Le Lieutenant Laccioni, également blessé, est évacué et c’est le Sergent-chef Ruiz qui a rédigé et transmis le compte-rendu du combat                                                 .

Dire que nous étions éprouvés, moralement plus que physiquement, est un euphémisme. D’avoir perdu notre capitaine et les autres officiers de la compagnie, une dizaine de camarades tués, de nombreux blessés, des disparus dont nous ignorions le sort, était plus qu’un coup dur. La compagnie revenait exsangue de ce « malheureux combat de Montreux ».

Puis Monsieur Traube conclut ainsi son récit :

Mon ami Hubert est resté sur le terrain. Il a été compté parmi les disparus, présumé mort. Pour son action héroïque, il a été cité à l’ordre de l’Armée et décoré de la Médaille Militaire à titre posthume… Et quelle n’a pas été notre surprise de le voir arriver en clopinant à l’aide de ses béquilles au cantonnement que nous occupions à Paris en vue du défilé de la victoire du 18 juin 1945 ! Ramassé agonisant par les Allemands, il fut amputé d’une jambe, transféré à Stuttgart puis ramené au Val-de-Grâce après la prise de la ville. Il nous racontait avec force détails les périples de son aventure, heureux d’avoir survécu, malgré la perte de sa jambe.